C’est en 1951 que, William Dameshek, émet l’hypothèse essentielle (TE) et la myélofibrose primaire (MFP) sont des hémopathies étroitement apparentées avec à leur origine un stimulus commun. À l'origine appelées syndromes myéloprolifératifs (SMP), elles ont été renommées néoplasmes myéloprolifératifs (NMP) mais cette terminologie n'est pas adaptée à la modélisation et aux formes familiales. Pour ces raisons, cette nomenclature n'est pas adoptée de façon universelle. La description en 2005 de la mutation activatrice V617F du gène codant pour JAK2 (Janus Kinase 2), une tyrosine kinase impliquée dans la signalisation de nombreux récepteurs de cytokines dont ceux de l’érythropoïétine de la thrombopoïétine et des cytokines de la lignée granuleuse, a fourni une explication aux similitudes cliniques et évolutives de ces 3 hémopathies. En effet au moins 95 % des PV, 50 à 60 % des TE et des MFP présentent la mutation V617F. D’autres mutations plus rares ont été décrites et toutes induisent une dérégulation du signal induit par les récepteurs aux cytokines avec une activation constitutive de JAK2 et un rôle important de l’activation des STAT, dont STAT5, dans leur pathogénie. Cependant il reste à démontrer que ceci est également vrai dans les TE et les MFP sans mutation de signalisation identifiée. Cette découverte a ouvert le champ à une recherche très active, aussi bien fondamentale que clinique. Une première conséquence a été en 2008 la modification des algorithmes diagnostiques recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’intégration de la mutation V617F de JAK2 dans les critères majeurs. Un autre aspect encore incomplètement compris est comment une mutation unique (V617F) peut donner trois pathologies différentes. Il existe trois grandes hypothèses qui ne sont pas antinomiques. Dans la première c’est le niveau de signalisation voire son type qui définit la maladie. L’un des déterminants majeurs est la présence ou non d’un clone homozygote survenu à la suite d’une recombinaison mitotique du clone hétérozygote et qui entraîne une dominance clonale. Cet aspect du point de vue pratique se traduit par la charge allélique plus forte dans les MF secondaires que dans les PV et plus forte dans les PV que dans les TE. La seconde hypothèse souligne l’importancede déterminants génétiques constitutionnels qui vont intervenir dans la signalisation de V617F. Enfin ces dernières années de nombreux arguments ont été apportés en faveur de l’existence d’autres mutations acquises portant soit sur des régulateurs de l’épigénétique, soit sur des gènes impliqués dans l’épissage qui seraient responsables de l’hétérogénéité des néoplasmes myéloprolifératifs. Ceci est particulièrement bien démontré dans les myélofibroses primaires, mais beaucoup moins évident dans les PV, les TE et les myélofibroses secondaires. La découverte de ces nombreuses autres mutations non impliquées dans la signalisation a mis en évidence une plus grande complexité dans la physiopathologie des NPM qu’attendue et en font des maladies beaucoup plus complexes que la LMC. Surtout ces données font que la théorie initiale de W. Dameshek ne représente qu’une partie de la réalité et que les NPM doivent être plus vus comme une continuité avec les autres hémopathies malignes comme les SMP/SMD, les SMD voire les LAM. Cette continuité en fait donc des maladies particulièrement attractives pour comprendre l’oncogenèse des hémopathies malignes et également pour développer de nouveaux traitements. Ces cinq dernières années ont vu des changements thérapeutiques profonds basés sur l’utilisation de l’Interféron-alpha et sur des inhibiteurs de JAK2. On peut penser que ces nouvelles approches thérapeutiques n’en sont qu’à leur début et évolueront lorsqu’on progressera à la fois dans la compréhension des modifications engendrées dans la structure de JAK2 par les mutations et dans le rôle des autres mutations dans la physiopathologie de ces maladies. Nous avons essayé, dans ce numéro d’Horizons Hémato consacré aux SMP, d’aller des aspects fondamentaux à la pratique. Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la rédaction de ces articles très riches et nous espérons que les lecteurs prendront conscience du vaste champ de recherche qui s’ouvre dans ces pathologies Ce numéro de la revue coïncide avec le lancement de l’application Horizons Hémato. L’ampleur des informations apportées par la totalité des articles va permettre une publication papier synthétique, enrichie par les divers compléments postés sur l’application. Nous vous souhaitons une très bonne lecture, Nicole CASADEVALL Coordinatrice du dossier SMP nicole.casadevall@sat.aphp.fr William VAINCHENKER Président du conseil scientifique du FIM verpre@igr.fr